mercredi 9 novembre 2016

Horta - Gijon et 1300 miles au prés

Le Voyage : Le‘’Retour’’.

Acte 1 -  Horta (Ile Faïal)  -  Gijon (Asturias- Espagne)



Mardi  25  octobre

   Le vent qui soufflait encore en tempête hier matin en faisant éclater les vagues sur les jetées du port est tombé vers les 15 à 18 nœuds. Il fait un temps Londonien : une bruine persistante et pénétrante dans un univers ‘’plombé’’.
Le matin, l’équipier va au supermarché pour un complément de provisions puis revoit avec Martins les modalités d’utilisation de tout un matériel de pêche à la traine.
Le skipper déroule sa check-list de conditionnement du bateau : vérif moteur, plein d’eau, étai, haubans … 



14h TU, après le dernier repas au petit café du coin (6,60 € le menu), les  formalités d’usage et le plein de gasoil, Moulin-à-Vent quitte le quai d’accueil de Horta, vent de Nord 17 nœuds, mer agitée et crachin.

Ensuite ce fut du yoyo.  Le vent entre les iles de Faïal que nous quittons, de Saõ Jorge et Pico entre lesquelles nous passons, puis Terceira que nous laissons à  12 milles sur notre bâbord,  soit change de direction, soit est accéléré par effet venturi et passe à  30 nœuds, soit est occulté et est nul, donc moteur.

Le départ est donc laborieux.  Le mercredi 26 à 7h TU (AM)  nous laissons TERCEIRA sur notre arrière bâbord et devant nous il y a 900 miles d’océan pour atteindre la péninsule et  360 miles de plus au moins pour Hendaye… 
La suite n’est pas calme non plus. 3 jours de près, avec 2 à 3 ris dans la Grand Voile par 20 à 30 nœuds de vent et  une mer formée, parfois déferlante. Le bateau tape en retombant dans le creux des vagues ou celles-ci, parfois le gifle sévèrement : une vague vient s’éclater sur le bordé du yacht qui en tremble de tout son être et nous avec.
Trois jours dans un univers clos gité entre 15 et 30°. Trois jours sans pouvoir cuisiner correctement, sans pouvoir se laver correctement, dormir correctement.
Trois jours à prendre des paquets de mer lorsqu’il faut aller sur le pont pour un réglage, une manœuvre.
Dire qu’on appelle cela  ‘’plaisance’’ !!??
Trois jours durant lesquels l’équipier cultive un mal de mer persistant, s’est fait mal à la main droite alors que le skipper s’est fait mal au  bas du dos en allant ‘’valdinguer’’ dans le carré lors d’une embardée.  
Cela, sans s’étendre sur, la douzaine d’œufs qui ‘valdingue’’ elle aussi et termine en omelette complète (coquilles comprises), sous la table à carte, que le cubitainer de vin de PICO qui vient exploser au même endroit.
Laver, nettoyer dans ces conditions c’est un exercice de voltige… L’odeur en prime.
Trois jours qui ont laissés d’étranges idées à l’équipier :  ‘’je ne suis pas fait pour la Haute-mer’’  et  ‘’j’adore la pétole’’ !





Dans un bateau, en voyage, l’équipage vit assis ou couché. La position debout est réservée aux transitions, devant le fourneau, à la table à carte pour observer de visu l’environnement extérieur et s’il y a des bateaux autour.
Curieusement, à bord et dans ces conditions, la gravité qui semble s’appliquer aux individus, habituellement de 9,81 m/s/s en position debout, semble multipliée par 3 ou 4. 
Les muscles ankylosés de rester inactifs, la nécessité d’agir rapidement, lorsqu’on se hasarde vers la position debout … Le coup de roulis brutal, dû à une mer grosse et chahutée vous envoie ‘’valdinguer’’ comme un vulgaire objet vers le côté en contre-bas … Attention à la réception !  Pas fait pour les Tamalous en proie à l’ostéoporose !!! Même les plus jeunes y laissent des hématomes aux mains ( N’est-ce pas l’équipier qui ne joue pas du piano debout mais fait autre chose, pas encore bien au fait du vieil adage : sur un bateau, une main pour le bateau, une main pour toi et si le bateau souffre, rajoute lui trois doigts.. ) etc…




 La Pétole est venue, le dimanche 30 dans la nuit. Soudainement, à 6h du mat, plus de vent… pendant 5h, le ciel s’est plombé et pluie. Nous étions alors par 42°05 N et  21°49 Ouest, rentrant dans un marais barométrique dépressionnaire s’étendant de l’ouest de l’Irlande à l’est des Açores et séparant deux anticyclones importants : un  par 48°N et 45° Ouest  et l’autre installé sur la France et le proche Atlantique (Eté Indien sur l’Hexagone). La sortie de la pétole est venue aussi brutalement, 25 à 30 nœuds de vent de nord, la pluie encore dans cet univers de fronts occlus… Et c’est reparti pour une vie de ‘’shaker’’ pendant  48 heures au moins.  
La Corogne est alors à 577 miles dans le 77°.


La nuit fut dantesque !
Le vent que les prévisionnistes avaient évalué à 25, 30 nœuds de nord, fut sur le ‘’terrain de jeu’’ de 30 à 40.  La mer s’est levée en conséquence pour devenir ‘’grosse’’. Le baromètre du bord a chuté de 1015 hPa à 1007 hPa de 11hTU le 30 à 6h TU le matin du Lundi  31.
La Grand-voile réduite à 3 ris, le foc enroulé en conséquence, MàV  a taillé sa route vent de travers, pour ne pas souffrir excessivement et vers l’Espagne donc.
Régulièrement une vague déferle sur le pont de MàV et le submerge. Parfois il chute dans un creux de vague et tape brutalement en reprenant contact avec l’eau faisant un bruit de gifle sèche et sourde et faisant trembler tout le bateau, tout le gréement.
A l’intérieur, tout, tout est humide. Les cirés que nous retirons une fois à l’intérieur, dégoulinent d’eau salée et mouillent tous les planchers.
MaV,  taille sa route à  7 nœuds dans cet univers Kafkaïen. Il taille sa route, sous régulateur-d’allure (un système mécanique qui pilote le bateau en fonction de la direction relative du vent – Le meilleur des équipiers, infatigable, ne consommant rien, même pas une bière de temps en temps -  l’équipage à l’abri, à l’intérieur. 
Chacun prend son quart de 3 heures, sauf quand il faut que le skipper aille à la manœuvre sur le pont pour ajuster, corriger, étarquer… L’équipier veille, prêt à intervenir.




Les jours, les nuits se suivent et ne se ressemblent pas.
Ce matin du lundi 31, le skipper découvre que la Grand-Voile présente une déchirure dans sa partie haute au niveau du 2ème étage de barre de flèche.  En fait, une laize est décousue. Les fils de couture ont frotté ou ragué contre la barre de flèche supérieure et ont cédés, résultat de une nuit dans 30 à 40 nœuds de vents et des embardées qui font  faseyer les voiles.
Le vent s’est calmé, le ciel est bas, il bruine et petit à petit la mer s’apaise.
A midi, l’équipage affalent la GV, la plie sur le pont, la met dans son sac et la ‘’Grand-Voile Suédoise’’ est endraillée. C’est une chose de le dire, c’en est une autre de le faire dans un univers si mouvant et instable et si humide.
Quand ce fut fait,  le soleil apparut. Merci ‘’doux Jésus’’.
A 18 h plus de vent et … Moteur.
A 20 h  un léger zéphyr de Nord-Ouest nous propulse vers le N-Est  (nous devons anticiper les vents d’Est contraires en arrivant sur zone nord-Corogne dans 4 jours.
Le ciel est étoilé, la mer peu agitée.  Nous sommes à 420 miles de La Corogne et avons parcourus 772 miles depuis notre départ de Horta et  Fred et reparti, le casque sur ses oreilles ,  pour des heures de cogitations et de dessins sur son projet de bateau (Voilier).





Il y eut aussi les essais de pêche à la traîne.  Fred, sur les conseils et l’exemple de Martins Dixon, à Horta, a une magnifique ligne de 50 m de gros nylon, lest de 400gr, énorme hameçon garnit d’un magnifique poulpe (leurre) en matière synthétique plus vrai que nature …
Tout cela fut mis à l’eau et…  Fit le gros intérêt de nuée de mouettes juvéniles, de Fous de Bassan … C’est tout !!






Il y eut aussi la tentative de récupération et d’hébergement de petits oiseaux égarés sur l’océan et à bout de forces. Ils tournent autour de MàV, puis épuisés finissent pas se poser.  Parfois ils sont le jouet de mouettes qui les pourchassent et les épuisent pour in fine les dévorer (nature cruelle et oiseaux voraces).


Il y eut aussi la couture de la laize de la Grand Voile à l’intérieur du carré et les maux de mains qui vont avec.
Des heures de couture de dacron rêche avec de grosses aiguilles et du gros fil synthétique suif.




Au nord-est de la Corogne, alors que nous commencions à sentit l’avoine de l’étable, Il y eut les ‘’tormentas’’ annoncées par la météo de La Corogne sur canal 26 (VHF) mais que nous pensions être pour les autres… Après des 40 nœuds de vent familiers à l’Est des Açores, nous pensions en avoir vu d’autres …
Et bien ce fut pour nous !  En quelques secondes le vent passe de 15 à 35 nœuds, le bateau part au lof, le skipper qui s’éjecte dans le cockpit, sous la pluie drue et sans ciré pour prendre le contrôle de la barre, l’équipier qui suit en se demandant ce qui se passe…. Réduction de voilure en catastrophe !  Aller l’équipier au boulot ! C’est de ta peau qu’il s’agit (et la mienne aussi)  avant de casser du matériel !
Dix minute après tout est redevenu  ‘’normal’’, 10 nœuds … Tout ?  pas tout à fait. Le skipper est trempé jusqu’aux os, d’une pluie dont de la grêle qui ne doit pas dépasser 5°C !



20 mn plus tard, la seconde nous cueille, mais nous sommes préparés et alors que le skipper se change complétement à l’intérieur pour du sec, l’équipier, à la barre, gère la situation.
Décision est prise de faire un stop à GIJON, province des Asturies, à 25 miles dans le sud-est.
L’équipier, fatigué, met le moteur en marche après le passage du grain, le vent étant tombé aussi soudainement à 5 nœuds et … Tâte la vanne d’admission d’eau de mer pour le refroidissement moteur qui lui semble ouverte.  Pas de vérification d’écoulement d’eau à l’arrière par le pot d’échappement et 10 mn après fumée noire dehors et dedans… La réplique que l’incident précédant l’entrée à Ponta Delgada…
Brave Volvo 2003T. On remet de l’eau dans le circuit de refroidissement, on vérifie qu’il n’y a pas d’eau dans l’huile (joint de culasse) … Et il repart, plein de bonne volonté et de pardon.


Enfin à 18 h nous étions à un des pontons d’accueil de GIJON, ce dimanche 6 novembre sous une pluie fine toujours à 5°C.

3 commentaires:

  1. Contente que vous vous soyez bientôt parmi nous et impatiente de partager le récit de votre aventure de vive voix, même si Michel a très bien su nous décrire chaque étape et Fred nous les faire découvrir par ses photos! merci encore de nous avoir permis de vous suivre tout le long de ce voyage, de nous avoir fait partager cette expérience parfois périlleuse, mais formidable, vos rencontres, vos péripéties, vos découvertes tout ça avec beaucoup de précision et d'humour!.... a très vite!

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  2. merci pour ce récit captivant, bien illustré de belle photos.
    Bravo pour ce beau voyage.
    Gilles

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  3. Merci de nous avoir fait rêver !

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